Il y a des jours ou tout va bien. Il y en a d'autres ou ce n'est pas terrible. Il y en a certains où c'est carrément "la cata". Je viens de vivre ce qui aurait pu être ma pire expérience en compétition, si la performance avait été ma seule motivation en marche nordique. Je suis fier que ça ne le soit pas.
J'y vais ou j'y vais pas ?
Je me suis inscrit à la 3ème édition de la "Rolinordik", un bel évènement dédié à la marche nordique dans l'Eure, au Val de Reuil. Il y en a pour tout le monde : courses enfants et distances de 12 km avec classement et 7 km non chronométrés, sur un beau parcours bien vallonné dans la forêt de Bord. Balisage parfait, des bénévoles sympathiques partout, cadeau aux participants, cérémonie des podiums avec un superbe ambiance et plein de lots de qualité par tirage au sort, c'est une organisation irréprochable du VRAC (Val de Reuil Athlétique Club).
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Voilà donc une bonne séance de reprise en perspective après mon marathon marche Nordique à Bagnoles de l'Orne (voir un marathon nordique sans doute ni souffrance).
Mais la veille, je ne me sens pas bien du tout (toux, mal de gorge, fièvre). Je me dis que ça va passer, mais non, et finalement il est trop tard pour aller faire un test covid. Ce doit être une "grosse crève" : avec une activité physique régulière, une vie au grand air, une alimentation saine et variée, j'ai confiance dans mes défenses immunitaires. J'aviserai demain matin. Au petit déj, j'hésite longuement : j'y vais ou j'y vais pas ? La nuit a été laborieuse. C'est trop dur de rester à la maison, alors j'y vais. Je vais gérer ça en fonction des sensations du moment, on verra déjà à l'échauffement. Évidemment, à défaut d'avoir fait un test covid, j'adopte les mesures de prudence qui s'imposent, au cas où : port du masque et je garde mes distances.
Hé non, ça ne le fait pas !
J'ai le plaisir de retrouver quelques "connaissances nordiques", de loin. François le coach de mon club est là ainsi que Florence et Hughes. Je m'échauffe dans mon coin, mais je me sens tout mou : un vrai shamallow ! Ça ira mieux grâce un coup d'adrénaline sur la ligne de départ !? J'ai du mal à m'en convaincre mais il ne faut pas baisser les bras avant d'avoir essayé.
C'est parti, je tente de démarrer vers l'avant du peloton mais dès les premiers hectomètres je dois me rendre à l'évidence : ça ne va pas le faire. Pas de décharge d'adrénaline, pas de de dopamine, pas de sérotonine... nada !!! Je n'ai pas de jambes ni aucun tonus. Je suis toujours dans le cirage et j'ai un peu mal partout, je dois lâcher prise. Abandonner ? Ah non jamais, alors je vais poursuivre tranquillement en mode rando. François, qui était parti un peu derrière me dépasse rapidement pour aller à la chasse d'un premier groupe qui commence à prendre le large. Plus loin, c'est Hughes qui me dépasse : "On n'a pas l'habitude de te voir là". Plus loin encore, c'est Florence "Bravo Patrice, c'est courageux".
Prendre sur soi
Depuis le départ et tout le long du parcours, je n'arrête pas de me faire dépasser, je n'ai jamais connu ça. Je ne suis pas un compétiteur "pur et dur", pour moi la marche nordique a bien d'autres charmes qu'un classement en compétition, mais quand même ! A chaque fois que quelqu'un me passe devant, je me dis que je devrais me secouer un peu les puces. Mais il m'est impossible d'augmenter la cadence pour l'accrocher. Bizarrement, je ne me sens pas si mal que ça : à cette vitesse, ma fréquence cardiaque est en bas de ma zone d'endurance. Alors que beaucoup de celles et ceux qui me passent ventilent fort, je suis en parfaite aisance respiratoire.
Mais j'éprouve un sentiment étrange, une incapacité de mon corps à répondre aux injonctions de ma tête. Je finis donc par me convaincre que plutôt que de me "rentrer dedans", la performance n'ayant plus aucun sens pour moi aujourd'hui, je dois trouver le moyen de prendre quand même du plaisir à travers une autre motivation. Ce sera celle de juste bien marcher, avec une gestuelle ample, souple et décontractée. Vu l'état de léthargie dans lequel je me trouve, ça ne devrait pas être compliqué. Alors ce qui aurait pu se transformer en grosse frustration devient finalement un bon moment quand même.
Une belle récompense
Mon objectif de performance oublié, et concentré sur la qualité de mon geste (voir marcher nordique en pleine conscience), je reçois une récompense ultime à travers les mots d'un bénévole. En haut de la "côte de la mort", qui se poursuit par un faux plat montant bien pentu, il me félicite : "Bravo ! Moi je ne sais pas marcher comme ça, vous devriez donner des cours". Wouha, ça vaut largement tous les podiums, je ne peux pas rêver mieux pour ma récompense du jour. A noter d'ailleurs la bienveillance des bénévoles du VRAC à travers leurs encouragements. Les "Bravo, courage" pleuvent le long du parcours. J'ai envie de leur répondre "Merci, pas de problème ça va bien". Mais juste MERCI, ça suffit.
Fier de moi.
Je termine donc tranquillement cette compétition qui n'en est plus une pour moi. Là où j'espérais réaliser enfin une moyenne au-dessus des 8 km/h, je me suis trainé à 6,4 au fin fond du classement, moins vite que lors de beaucoup de mes sorties hebdomadaires tranquilles. François, devant qui j'étais arrivé pour la première fois lors d'une compétition précédente (voir "Du sang et des lauriers"), termine lui 1er M6, 6ème au scratch à 8,1 de moyenne. Pas mal sur ce parcours, bravo François !
A défaut d'être fier de ma perf, je le suis non pour être allé au bout malgré les circonstances, mais pour avoir su adapter mon objectif pour éviter toute frustration et éprouver du plaisir quand même dans un contexte compliqué, de façon inhabituelle cette fois.
Fier de moi mais pas fier de mon "comportement citoyen". Les symptômes ressemblaient fortement à celui du COVID. Je me pensais plus fort que lui mais, test effectué le lendemain, je confirme : c'est bien ça. C'est en l'apprenant que j'ai pris conscience que j'aurais bien mieux fait de m'abstenir, non pas pour moi mais pour les autres. J'avais quand même pris les précautions, au cas où… j'espère qu'elles auront été suffisantes pour éviter d'avoir partagé ce sale virus, comme j'aime à le faire pour celui de ma passion de la marche nordique.
En tous cas je peux en témoigner, oui ça met vraiment à plat ! Maintenant, une semaine d'isolement et reprise en douceur, bientôt j'espère.
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