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Le plein de sensations sur la nocturne nordique des deux amants


Le trail des deux amants : un grand classique du paysage normand du sport nature. Cinq distances étaient proposées en 2022, de 15 à 85 km, dont deux nocturnes (16 km pour les marcheurs nordiques, 17 pour les trailers). L'épreuve est réputée pour ses superbes points de vue sur la vallée de Seine, qui se méritent : il faut la grimper la fameuse côte des 2 amants, on se demande ce qu'ils allaient faire là-haut !?


J'adore marcher de nuit, mais en compétition c'est une première. Ce n'est pas aujourd'hui que je pourrai admirer le paysage, alors je vais en profiter pour être 100% à l'écoute de mes sensations. Quitte à ne pas voir grand chose au delà de ce que m'offre ma frontale, autant observer ce qui se passe "à l'intérieur". Voilà une grosse douzaine de sensations et sentiments bien variés qui m'ont accompagnés pendant cette soirée.


Départ à 21h10 par un froid de canard (2°), après celui des trailers. Je me suis échauffé avec soin pour éviter les douleurs aux jambiers (devant les tibias) quand ça démarre trop vite. De fait, je démarre "à donf" (pour moi) entre 8 et 9 km/h. Les deux premiers me larguent tout de suite, je n'ai aucun espoir de les revoir. Il y a un rapidement un petit trou derrière, je marche donc seul en m'appliquant sur la technique. Je me satisfais largement de ma 3ème position. Je mets de la cadence avec les bras, c'est bon les jambes suivent… et mes jambiers ne donnent aucun signe de mauvaise humeur. Ouf !


1ère sensation : Brrr ! Malgré la fraicheur, je me suis habillé léger. Un T-shirt + sweat technique fin en haut, un corsaire en bas. Pas de problème ça suffit avec l'effort. Mais le T-shirt sort rapidement du corsaire qui a, lui, tendance à me tomber sur les fesses. Du coup je me retrouve avec le bas du dos à l'air. Et l'air frais... ça pique ! Pas question de réajuster la tenue avec les bâtons, encore moins de m'arrêter. Tant pis je vais faire avec. Pas grave, ça stimule.


2ère sensation : Je ventile beaucoup, je n'ai pas l'habitude de souffler ainsi. Une vraie forge ! Je jette un coup d'œil de temps en temps à mon cardio : entre 145 et 150 pulsations, dans ma zone de résistance. En principe je dois pouvoir tenir comme ça sur toute la distance. J'ai quand même une petite inquiétude : là c'est tout plat pendant plus de 5 km, mais ça va bientôt grimper fort, qu'est-ce que ça va donner ?


3ème sensation : Au bout de 2 ou 3 km, je sens une gêne au bas du mollet droit, une réminiscence de la petite blessure qui m'a tenu éloigné quelques semaines de mes chemins. Allez t'inquiète, ça va tenir ! Je finis par l'oublier.


4ème sensation : Ca tape trop fort ! On arrive sur une longue portion de bitume le long de la Seine, tout ce que je n'aime pas. J'entends le bruit de mes pas dans le calme de la nuit, c'est la première fois à ce point là. Mais surtout j'ai l'impression non pas de poser le pied mais de frapper le sol. Je me dis que je dois marcher plus en souplesse, rien à faire ! Mes bâtons ne me sont plus d'aucune aide. Le problème se résout tout seul à l'attaque de la 1ère côte un peu plus loin.


5ème sensation : Les cuisses en feu ! J'essaie de maintenir la cadence à l'attaque de la côte, encore un peu de bitume qui laisse bientôt place à un chemin. Je peux enfin pousser à nouveau sérieusement sur les bâtons, ça soulage. Alors que la montée se poursuit, le parcours bifurque à gauche pour offrir un replat le long de la colline, ça fait du bien. Merci les organisateurs. Le répit est de courte durée, ça repart de plus belle en grimpant fort. Je rattrape quelques trailers mais ça devient de plus en plus dur. Côté cardio ça va à peu près mais mes cuisses demandent grâce : il me manque de toute évidence quelques séances d'entraiment en côte dont ma blessure m'a privé.


6ème sensation : Petite déception. Peu avant le sommet de la côte, deux marcheurs, puis un troisième me rattrapent et me dépassent, ils ont plus de jambes que moi. Je suis scotché, impossible de leur emboîter le pas. Me voilà donc maintenant 6ème si je compte bien.


7ème sensation : Une jambe plus courte que l'autre. La longue longue longue descente de l'autre côté de la colline se fait en grande partie sur un single très étroit, tellement étroit que je ne peux y poser qu'un seul pied. L'autre pose sur un autre single parallèle, mais une dizaine de centimètres plus haut, côté amont. Je ne vous raconte pas la qualité de la technique de MN dans ces conditions !

J'envie la morphologie du dahut : vous savez, cet animal de montagne qui a les deux pattes d'aval plus longues que celles d'amont. Quelle chance il a, sauf qu'il ne doit pas faire demi-tour !


7ème sensation : Petite colère. Dans la dernière partie de la descente, je vois le faisceau lumineux d'une frontale devant. Chouette je suis en train de rattraper un des marcheurs qui m'a dépassé tout à l'heure. Je le remonte progressivement, j'ai repris du poil de la bête dans la descente (le poil du dahut ?). Quand il entre dans le faisceau de ma frontale, je vois qu'il tient ses deux bâtons à la main. Tout à coup, sur le plat qui nous amène à la prochaine difficulté, il se met à courir !!! Du grand n'importe quoi. Dès les premiers mètres de la grimpette suivante, il s'arrête et se retourne pour me laisser passer, de toute évidence épuisé. Juste avant de lui dire ce que je pense de son attitude, je réalise que ce doit être un trailer avec des bâtons. Je continue sans rien dire.


8ème sensation : Les bienfaits de l'adrénaline ? Le "coup de chaud" de l'épisode précédent a dû m'envoyer une giclée d'adrénaline. Avec l'acide lactique accumulé lors de la montée précédente, que j'ai eu le temps de recycler, elle me permet d'entamer la montée dans de bonnes conditions cette fois. Personne devant, personne derrière, je la monte à mon rythme, j'ai retrouvé mes jambes.


9ème sensation : La joie de la relance. Revenu sur le haut du plateau, je relance tout de suite, facile. Je remets de la cadence comme dans la première partie en me concentrant à nouveau sur la technique. Je prends tout à coup conscience que mon souffle est maintenant apaisé, j'ai retrouvé de la souplesse dans la gestuelle, tout pour bien marcher : heu-reux ! Je rattrape encore quelques trailers dont certain(e)s alternent course et marche.


10ième sensation : Le plaisir du peloton. C'est quand même dommage de marcher tout seul. Peu avant de redescendre un signaleur me demande si je suis un marcheur et me fait poursuivre tout droit. Il envoie les trailers à gauche vers une nouvelle descente. La "mienne" arrive un peu plus loin, je l'enquille à donf en faisant quand même attention où je mets les pieds. Arrivé en bas, plein de trailers déboulent sur ma gauche et je me retrouve dans la foule. Ils ont eu droit à un petit extra qui m'a permis de rejoindre le gros d'un peloton. C'est donc en groupe qu'on attaque la dernière grosse difficulté.


11ème sensation : Accepter de taper dans le dur. En fait, on remonte la première côte… au cas où on ne l'aurait pas suffisamment appréciée la première fois. Mais là où on avait bifurqué pour souffler un peu, on continue tout droit, pleine côte. Ça monte très fort, ça monte longtemps, dur dur ! Devant et derrière moi, ça souffle, ça hoquète, ça ahane, ça s'arrête pour se refaire une petite santé. J'escalade au ralenti mais je mets un point d'honneur à ne pas m'arrêter. Je pousse fort sur mes bâtons pour soulager les jambes, c'est un avantage décisif sur les "coureurs qui ne courent plus", mais que c'est dur quand même !!! L'amorce de la dernière descente est un énorme soulagement physiquement mais un petit stress compte tenu de l'énorme pente qu'il faut gérer en tâchant de rester debout.


12ième sensation : La joie d'un final facile. Revenu en bas, au niveau de la Seine, il reste 5 km pour rentrer par où on est venu sans avoir à affronter de nouvelle difficulté. Je rentre dans ma bulle : cadence et technique. Malgré les moments difficiles vécus cette soirée, je me sens bien. Je n'ai pas oublié d'avaler deux pâtes de fruits sur le parcours, je bois régulièrement à la pipette de mon camelbag, donc pas de panne de carburant. Je me retrouve de nouveau seul, même si au détour d'un virage à angle droit je constate un petit peloton de frontales à l'arrière. Il n'y a plus d'enjeu, j'en profite pour travailler la gestuelle jusqu'au bout sans chercher à en rajouter pour la cadence : que du plaisir. Je dépasse un nouveau coureur (qui court) avec ses bâtons à la main.


13ème sensation : Où ai-je la tête ? Complétement à l'ouest !!! Ça y est, c'est presque fini. L'arrivée est dans le gymnase où on a retiré les dossards (L'organisation a passé la consigne de terminer sans poser les bâtons pour ne pas pourrir le parquet malgré la moquette). Juste avant le gymnase, je suis paumé : une rubalise barre le chemin qui va vers l'entrée. J'ai dû manquer quelque chose et passer du mauvais côté. Pas grave, je l'enjambe, je continue et… mince la porte est fermée !!! Je l'ouvre, je me retrouve dans une foule et je me rend compte que l'arrivée était par l'autre côté du gymnase. Bon, je le traverse pour aller là où j'aurais dû rentrer et je passe l'arche dans de bon sens. Pas mal comme étourderie, hein !?


Les mêmes sensations (pour partie) en vidéo :


Dimitri a vécu la même chose. Il le filme et le raconte magnifiquement, lui en vidéo. J'y revis exactement la même chose que je vous ai raconté. Pas d'étourderie en ce qui le concerne, mais une panne de batterie pour sa frontale.

Revivre la nocturne :



Vous pouvez retrouver toutes ses vidéos sur sa chaine Youtube : Run addictive

Trop fort !!!


Analyse post-course


Je constate sur ma montre que j'ai parcouru 17 km et non 16 comme annoncé. Le lendemain, je compare le tracé de mon appli à celui du parcours officiel et je comprends la différence : là où, au retour, j'ai monté toute la côte des deux amants pour la deuxième fois, jusqu'au 7ème ciel, j'aurais dû bifurquer à gauche comme pour le premier passage, puis redescendre vers le retour. 1 km et près de 100m de D+ de plus !!! En fait, "la totale", c'était pour les trailers. Le signaleur n'a pas dû faire la différence dans le peloton. Bah, quand on aime on ne compte pas. Je conserve quand même ma 6ème place… mais ce n'est pas le plus important. Ce sont tous ces moments forts personnels qui me resteront en mémoire.


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