J’ai l’habitude de rédiger le compte rendu des quelques compétitions auxquelles je participe. Pour une fois que je me classe premier au scratch, je ne vais pas m’en priver, ma modestie dusse-t-elle en souffrir.
Mais le peu de participants alignés sur ce 10 km en marche nordique chronométrée tempère ma fierté et m’incite à relativiser l’ampleur de mon exploit.
Joindre l’utile à l’agréable pour la bonne cause
Les foulées de Martin, organisées par Magali et son association Tel est ton défi, c’est une belle classique dans le paysage normand local, au profit de l’ AFM Téléthon. Elle proposait cette année trois parcours nature de 5, 10 et 27 kilomètres pour les coureurs, marcheurs nordiques et randonneurs (sur les plus petites distances) : Une belle organisation dans un esprit sympathique, de magnifiques parcours typés trail, que j’adore, dans la forêt de la Londe : un des mes terrains de jeu préférés.
Une délégation de la section marche nordique du CORE athlétisme a répondu présent sur le 10 km, en mode chronométré ou non. Pour ma part pas d’hésitation (pour la compétition chronométrée avec classement) mais sur quelle distance ? Adepte des longues sorties, j’avais bien envie de m’aligner sur le 27 km. Mais avec un objectif de marathon nordique le week-end suivant, ce n’aurait pas été raisonnable, d’autant que le dénivelé est sérieux par chez nous. Alors, va pour le 10.
Mais ils sont où ?
Il faut parcourir quelques centaines de mètres sur route pour arriver à l’entrée de la forêt. Je hais le bitume, je ne sais pas marcher nordique sur bitume ! Je démarre donc comme je peux, « les bâtons en l’air ». J’en profite pour terminer mon échauffement avec le balancier des bras, puis un planté d’un seul côté dès que je trouve un peu de gazon. Pas de juge, pas de carton ! Mais pas de volonté de tricher non plus : je marche plutôt moins vite ainsi.
J’arrive quand même à l’orée du bois avec quelques mètres d’avance sur les suivants. Je suis heureux de pouvoir enfin marcher nordique, sur le superbe single qui s'engouffre dans la forêt… et mettre la gomme ! Des petites montagnes russes, le chemin qui tournicote, des devers, des racines, il faut quand même rester prudent mais j’adore ça. A l’occasion d’un virage serré avant une petite grimpette, je jette un coup d’œil derrière : personne !!! Pas même mon coach, il a décidé de partir tranquillement aujourd’hui. Je jette un autre coup d’œil, à ma montre cette fois : 8,3 km/h de moyenne. Ah oui quand même, pas si mal dans ces conditions alors je que marche vraiment « facile », sans forcer.
Il fallait prévenir plus tôt !
Les chemins s’enchaînent, certains un peu plus larges, mais on retrouve vite un single technique. Voilà qu’à l’occasion d’une petite butte, je tape dans une racine (ou un caillou, je ne sais pas) et m’envole pour un atterrissage à plat ventre. Quelques instants de déconcentration, ça suffit. Le genou gauche sert de train d’atterrissage, mes bâtons d’aérofreins. Le gauche prend son indépendance, c’est la première fois que mon TSL Tactil se décroche tout seul. Mon dossard a bien tenté d’amortir le choc mais sans succès probant : il a un peu morflé, mais lui aussi, d’ailleurs il ne tient plus que par un fil, en fait par une épingle : je vais devoir le garder à l’œil jusqu’à l’arrivée pour qu’il termine avec moi.
Même pas mal, un viking ne va pas se laisser impressionner par un petit bobo même si je constate le genou ensanglanté et une belle écorchure… à la poignée de mon bâton. Je me relève, repars aussitôt et arrive, quelques mètres plus loin, devant un panneau "Descente dangereuse". Ils n’auraient pas pu le dire avant que c’était dangereux !? Bon alors là, je fais gaffe, c’est vrai que la descente est violente et les racines perfides, mais ça passe.
De la cadence dans la grimpette
Qui dit descente dit montée, qu’on va enchaîner peu après. Elle est plus civilisée : c’est un des rares chemins plus larges et bien stabilisé. La montée est moins violente que la descente mais plus longue : 900 mètres en zigzags. Les ami(e)s du club qui peinent en montée adorent quand on passe par là !
Je me sens toujours bien à l’entame de l'ascension, à l’approche de la mi-parcours. Alors je conserve la cadence. Mon rythme cardiaque et mon souffle, qui s’étaient fait plutôt discrets jusque-là, s’animent de plus en plus mais je n’explose pas. Je mens à une traileuse que je dépasse à mi-côte pour l’encourager : "bravo, on est presque en haut" (Même pas vrai !).
On bifurque en haut sur un nouveau petit sentier bucolique. Je relance. Le plus dur est passé, trop bien, je relance.
Ca déroule jusqu’au bout
J’ignore le ravitaillement malgré la proposition des sympathiques bénévoles qui veulent m’offrir quelque chose. « Merci, j’ai ce qu’il faut !». Je ne sors jamais sans mon camelbag pour le ravitaillement en vol. Je me sens toujours aussi bien. Personne derrière, l’idée de passer la ligne en tête me donne des ailes, ce n’est pas si courant.
Un tout petit peu de route forestière, sans souci je peux cette fois marcher dans l’herbe sur le bas-côté en "mode nordique", et j’entre à nouveau sur un superbe single en balcon au dessus d’un vallon, un de mes préférés. J’entends tout à coup arriver derrière moi quelqu’un qui revient du diable Vauvert. Je me retourne : pas de bâtons, c’est un participant en mode rando trail. Il a dû courir pour me rattraper aussi vite. Je m’apprête à me mettre sur le côté du single et l’interroge : tu veux passer ? Non non, me dit-il, je récupère. Alors on fait un bout de chemin ensemble. Il me dépasse plus tard dans une dernière montée qui nous ramène sur le plateau vers l’arrivée, en mode marche athlétique. Je le conserve à vue mais je ne cherche pas à l’accrocher, ce que j’aurais probablement fait s’il avait eu des bâtons, évidemment.
Je m’interroge quand même pour accélérer ou pas, je sens que j’ai de la marge. J’ai envie de jeter un deuxième coup d’œil à ma montre pour voir ma moyenne. Pas de marcheur nordique devant, pas de marcheur nordique derrière, alors à quoi bon !? Je me concentre plutôt sur la qualité de mon geste. Je profite du moment présent dans cette belle nature, en restant quand même sérieux en passant devant le photographe.
Je passe l’arrivée presque à regret, j’aurais bien continué un peu. Tout le contraire de ce que j’avais vécu sur une de mes premières compétitions (voir Fort et Vert), deux extrêmes en termes de sensations !!!
Un final surprenant
Petit passage par le poste de secours pour un nettoyage/désinfection de genou et par le ravito, et bien sûr on commente la course avec les potes, comme d’hab. Remise des prix pour récupérer ma coupe, ça c’est moins habituel pour moi. Ha si, j’avais déjà fini premier masculin à un scratch il n’y a pas si longtemps sur une autre compétition locale… mais deuxième féminine !
J’entends ensuite le « rando traileur » qui m’a dépassé, fou furieux de n’avoir pas être déclaré 1er : il est sûr d’être arrivé devant moi !!! J’essaie de lui expliquer qu’il s’est inscrit sur le 1O km rando, donc sans puce électronique, sans temps et sans classement. Et s’il l’avait fait, ce n’aurait pas été en marche nordique : ça se fait avec des bâtons. Sa réponse me laisse coi, toujours aussi furieux en partant : "ça change quoi les bâtons ?"
Content de ma « perf ».
1h18:59 et 7,6 km/h de moyenne annoncés au classement officiel pour 1O km.
Sur le terrain : 1O, 330 km (contrôlé et validé par l’IGN), soit une moyenne effective de 7,9 km/h. Ca me va, surtout sur ce terrain et avec ma mésaventure, mais zut si j’avais su j’aurais fait un petit effort pour passer la barre des 8.
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