Je complète le précédent article sur l'efficacité des bâtons plus courts avec une technique de marche un peu différente : Longueur de bâtons et geste nordique. Eh oui, j'avais ressenti le besoin de raccourcir leur longueur en marchant avec une main plus basse devant et en remontant moins le coude derrière. Facile et pas cher avec mes bâtons télescopiques ! Mon interrogation, avec cette technique plus en souplesse, plus de fréquence mais probablement moins de puissance était de savoir si elle était plus ou moins efficace. Quelle incidence sur la vitesse ? Pour aller au-delà des impressions, j'ai tâché de mesurer cela de la façon la plus objective possible.
Les données du problème
A partir du moment où on laisse la main alignée à l'avant dans le prolongement du bras (ce qui est recommandé : ne pas casser le poignet), le bâton trouve son inclinaison naturelle. Il se pose, en même temps que le pied du côté opposé (en principe !), normalement quelque part entre les deux pieds.
Ici, dans ma technique "main haute" avec mes bâtons de 125 cm (pour une taille de 1m82), tout va bien.
Avec les mêmes bâtons et une main plus basse, le bâton est beaucoup plus incliné. Dans ce cas, d'une part j'ai le sentiment de pouvoir moins bien pousser et surtout il se pose derrière le pied arrière ce qui n'est pas autorisé en compétition (si j'ai bien regardé le règlement).
Il est moins incliné avec un angle du poignet :
Mais ce n'est pas recommandé.
Voilà pourquoi j'ai testé des bâtons beaucoup plus courts (115 au lieu de 125). Il viennent, eux, se poser là où ils doivent sans avoir à casser le poignet. Le geste est du coup plus facile, plus fluide, mais moins puissant me semble-t-il.
Comment savoir si c'est mieux ou moins bien pour l'efficacité de la marche ?
Mon protocole de test.
Le but est de marcher dans les mêmes conditions avec un geste "main basse" et bâtons plus courts d'une part, un geste main haute et bâtons plus longs (ma technique "habituelle avant changement") d'autre part. Pour cela, et pour comparer des choses comparables avec un test rigoureux :
Je marche sur une piste d'athlétisme pour éviter les aléas d'un parcours en nature et mesurer précisément les temps sur une distance identique. Ce n'est pas ma tasse de thé mais je me fais violence pour les besoins de la science.
Je tâche de rester concentré sur la technique en conservant le relâchement nécessaire pour un geste optimal (dans la mesure de mes moyens) dans les deux situations.
Je ne cherche pas à marcher trop vite, de façon à ce que le résultat soit bien lié à la différence de technique et de bâtons et non à la "caisse".
Je marche à la même fréquence dans les deux situations. Le but est bien sûr d'analyser la différence à fréquence équivalente. Pour cela, j'utilise mes "tempos audio" aux cadences de 135 et 150 battements par minute : Des tempos pour tenir la cadence
Pour les mesures, après un échauffement sérieux, j'effectue pour chacune des deux "techniques" avec les bâtons qui vont bien :
3 tours (1 200 m) à une cadence de 135 pas par minute
2 tours (800 m) à une cadence de 150 pas par minute
Je fais un tour de récupération tranquillement entre chaque séquence pour éviter qu'une baisse de régime physique ne fausse les résultats et un arrêt avant d'entamer les 3 tours de la deuxième série, le temps de régler mes bâtons télescopiques.
Le verdict : photo finish !
Petite réserve :
Ayant mal réglé ma montre, je n'ai pas la fréquence (nombre de pas par minute, dans les stats de mon appli Polar Flow). Je prends donc en compte le nombre de battements par minute des tempos de la musique que j'ai dans les oreilles avec mes playlists à 135 et 150 bpm. D'expérience, je sais que j'en suis toujours proche. Donc pour aujourd'hui : ppm (pas par minute) = bpm (battements par minute). Connaissant le nombre de pas par minute, le temps et la distance parcourue, ce n'est pas très compliqué de calculer la longueur des pas. Ca me rappelle les histoires de trains et de baignoire du primaire.
La séance, séquence par séquence :
Je démarre par un échauffement tonique pour les 2,4 kilomètres de route (beurk !) qui m'amènent à la piste d'athlétisme. Embouts en caoutchouc sur mes bâtons réglés à 115 cm avec marche "main basse". J'ai mis tout de suite ma playlist à 135 bpm avec une musique bien entrainante qui me donne la pêche.
Moyenne : 7,3 km/h.
J'ai vraiment du mal à pousser sur les bâtons qui ont tendance à se dérober. Décidément, je ne sais pas marcher nordique sur du bitume. Longueur des pas : 90 cm.
Fréquence cardiaque moyenne : 131 pulsations/mn (76% de ma FC Max en marche nordique, tranquille dans ma zone d'endurance : Rythme cardiaque, seuils et variété).
1ère série de 1200 m à 135 ppm
Heureux d'arriver sur la cendrée de la piste ! J'enlève les embouts et je fais un demi tour de piste pour ressentir les nouvelles sensations. Rien à voir, là ça pique (les bâtons) et ça pousse (les bras) ! Je me sens nettement mieux. J'enchaine avec mon triple tour de piste en veillant à la technique.
Moyenne : 7,7 k/h, a priori à la même fréquence de pas que sur la route pour arriver. Près d'un demi km/h gagné avec une amplitude des pas qui passe de 9O à 95 cm grâce une meilleure poussée.
FC moyenne 136 (ça monte un peu) mais je reste en endurance.
Après un tour plus cool à 6,8 km/ pour faire redescendre le cardio (à 124), c'est parti pour les deux tours à 150 ppm, toujours avec mes bâtons courts.
Moyenne : 8,7 km/h avec des pas de 94 cm.
FC moyenne de 143 : en bas de ma zone de résistance.
On souffle à nouveau sur un tour (6 km/h). Puis je m'arrête, le temps de d'adapter mes bâtons en "position haute". Je marche quelques dizaines de mètres histoire d'adapter mon geste (main plus haute et coude plus plié à l'arrière) et c'est reparti pour 3 tours à 135 ppm.
Moyenne : 7,6 km/h : la même qu'avec la technique main basse à la marge d'erreur près.
Surprise : pas de 93 cm au lieu de 95 dans la version main basse alors que j'ai le sentiment de pousser plus fort.
FC moyenne : 126 (10 de moins). Bizarre, il faudra que je vérifie ça. Ai-je maintenu la bonne cadence en changeant de geste ?
Dernier tour de récup, à 6,0 km/h, avant d'attaquer les 2 tours main haute à 150 ppm.
8,9 km/h, avec des pas de 95 cm à nouveau.
FC : 146, la même qu'avec la main basse
Je rentre en gardant la fréquence 150 dans les oreilles (pour le plaisir) mais pas dans les bras ni les jambes. Moyenne : 7,1 km/h. FC moyenne qui retombe à 130.
Les courbes de la sortie :
Conclusion :
Objectivement, la différence n'est pas flagrante pour le chrono. Elle est nulle à une fréquence de 130 ppm et, à 150 ppm, je gagne 0,2 km/m avec la main haute, finalement très peu en "mettant la gomme" en puissance. Aucune incidence notable au niveau cardio.
Les sensations sont en revanche bien différentes :
J'ai "l'impression" de de pousser plus fort main haute avec la bâtons plus grands, impression non vraiment confirmée donc par les chiffres notamment pour l'amplitude des pas.
Fluidité contre puissance : je déclare donc un match nul pour la performance, pas pour les sensations.
A propos des bâtons télescopiques.
Je ne ressens aucune gêne à 135 ppm par rapport à mes bâtons monobrins. Mais elle est très nette en passant la vitesse au-dessus à 150 ppm, où leur manque de rigidité se fait très nettement sentir. La sensation est désagréable, j'ai l'impression que la puissance "ne passe pas" complétement : des watts qui se perdent dans la nature ? Là aussi les impressions peuvent être trompeuses : j'ai retrouvé les stats d'une séance en nature avec mes monobrins de 125 cm avec mon tuto cadence et amplitude Sur le tempo de 150 j'étais à 8,9 km/h, la même ! J'irai peut-être un peu plus vite sur piste ? A vérifier.
Alors, on fait quoi ?
Pour ma part, j'ai bien envie de varier les plaisirs, comme toujours :
Main basse pour des sorties cool ou plus longues, pendant lesquelles je veillerai à marcher en souplesse. J'ai aussi probablement exagéré la différence de longueur de bâtons en passant de 125 à 115. Je vais bien sûr tester un juste milieu à 120 cm.
Main haute avec mes bâtons de 125 monobrin pour me faire plaisir en "mettant la sauce piquante" et pour du travail de renforcement musculaire du haut du corps, surtout les épaules et les triceps.
De façon générale, il me semble que le choix dépend aussi de son gabarit. Je suis plus du genre "déménageur" que "ballerine" ou "taille mannequin". Travailler en puissance ne me gêne pas, au contraire j'aime ça. Les marcheurs et marcheuses plus légers ont certainement intérêt à adopter une marche plus en fluidité, avec aussi moins de risque de blessure si les dispositions musculaires ne permettent pas de garantir la sécurité du mouvement avec une poussée plus forte.
Bon, tout ça c'est "histoire de voir" et par pure curiosité. Mais finalement, pour la plupart des marcheuses et marcheurs dont la motivation essentielle est de se faire du bien tout en se faisant plaisir, il n'est pas indispensable non plus de trop "se prendre la tête" :
juste essayer de bien marcher nordique pour bénéficier de tous les bienfaits de la pratique, c'est déjà très bien !
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